La Licence Ouverte / Open Licence, ou le retour du particularisme à la française (3/3)

La Licence Ouverte / Open Licence  n’est donc pas une licence de droits de propriété intellectuelle mais de « réutilisation d’informations publiques » au sens de la loi du 17 juillet 1978 …

Cet article est la 3ème et dernière partie de « La Licence Ouverte / Open Licence, ou le retour du particularisme à la française« .

Il peut se comprendre à lui seul, mais comme pour toute trilogie, un retour sur les précédents épisodes est toujours appréciable: Aux origines de la Licence Ouverte (I) puis Une apparente licence de droits de propriété intellectuelle (II).

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Une licence de réutilisation d’informations publiques 

Comme je vous l’expliquais en première partie, l’Etat français a été contraint par une Directive de l’Union européenne d’ouvrir à ses citoyens ses documents administratifs et ses informations publiques.

Par crainte que ses données ne soient pas protégées par le droit d’auteur et donc dépourvues de protection, l’Etat français, par deux ordonnances de 2005 et 2009 modifiant la loi du 17  juillet 1978 sur les relations entre l’administration et le public, les a doté d’un cadre juridique spécifique pour leur réutilisation… Qu’il est bon d’être son propre législateur…

Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que, même sans cette loi, ces données auraient pu être protégées par le droit de la propriété intellectuelle. Certes peut-être pas par la voie royale.

L’Etat semble avoir oublié l’existence du droit des producteurs de bases de données.

C’est ce que l’on appelle dans le jargon un droit « sui generis » (« de son propre genre », qui ne peut pas être classé dans une catégorie juridique).

En effet, une base de donnée non originale, mais dont son développement à impliqué un considérable investissement financier, matériel ou humain pour l’obtention, la constitution, la vérification ou la présentation de son contenu est protégée par ce droit « sui generis ».

Ce qui est majoritairement le cas pour les données en ligne sur l’Open Data.

Le bénéficiaire de ce droit est le producteur de la base de données, c’est-à-dire l’investisseur. Contrairement au droit d’auteur, ce droit peut naître sur la tête d’une personne morale.

La durée de sa protection est bien plus courte que le droit d’auteur : 15 ans à compter de l’achèvement de la base ou de sa mise à disposition au public, contrairement aux 70 ans à partir du décès de l’auteur pour les œuvres.

Par contre, cette protection repart à chaque modification substantielle de la base et ce indéfiniment.

Le bénéficiaire de ce droit peut interdire ou autoriser l’extraction ou la réutilisation de ces données. L’extraction s’entend comme tout transfert du contenu de la base sur un autre support. Quant à la réutilisation, il s’agit de toute mise à disposition de son contenu au public.

Bref, tout ce dont la licence essaye d’appréhender…

 

Pourquoi avoir alors créé une protection spécifique pour ces données, alors que le droit de producteurs de base de données peut très bien s’appliquer ?

Déjà, parce que la loi de 1978 modifiée est bien plus avantageuse pour l’administration: protection juridique des données sous la seule condition que le « producteur » soit une personne publique, pas de limite temporelle de protection, des termes assez flous…

Enfin, parce qu’il plane un certain doute sur l’application aux personnes publiques du régime de protection des producteurs de bases de données (BDD).

En effet, le Code de la propriété intellectuelle ne vise que « les sociétés ou entreprises », ce qui semble donc exclure l’Etat. Néanmoins, non seulement la doctrine n’interprète pas la loi en ce sens, mais surtout la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 (dont est issu le droit des producteurs de BDD) vise en des termes très généraux le « fabricant » ou encore « la personne morale ».

Doit-on en conclure que la directive a été transposée à la va vite ? Cela ne serait pas la première fois…

Si cette licence est une licence de réutilisation de données publiques et non de droits de propriété intellectuelle, que se passe-t-il si ces données contiennent de la propriété intellectuelle protégée, notamment des BDD ?

Aucun souci, l’équipe d’Etalab à bien fait son travail. Une clause de la licence prévoit qu’au cas où l’administration détiendrait des droits de PI sur ces données, alors elle les céderait de façon non exclusive, à titre gracieux, pour le monde entier et pour toute la durée de ce droit.

Voilà, tout est bien goupillé…

Dernier point pour pinailler

La licence précise qu’elle est compatible avec toute licence qui exige au moins la mention de la paternité, notamment les Creative Communs.

Sauf qu’en toute logique, la paternité auquel il est fait référence devrait être celle de la licence, donc l’indication du nom du producteur et de sa source.
Alors que les licences de droit de propriété intellectuelle font références à celui du droit d’auteur, donc le nom de l’auteur.

Difficile de faire plus incompatible…

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2 réflexions sur “La Licence Ouverte / Open Licence, ou le retour du particularisme à la française (3/3)

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