La « contrefaçon de concepts » : vers une contrefaçon totale ?

La Chine, connue notamment pour ses contrefaçons de produits se lance désormais dans la « contrefaçon de concepts ».

En effet, après les faux « Apple Store » où l’on vend de vrai produits Apple au point de semer la confusion jusque dans ses vendeurs et les faux Ikéa où les meubles, le code couleur, les magasins à sens unique avec épicerie et cafétéria intégrées et même la phonétique de la marque ont été contrefaits (l’idéogramme de la marque se prononce «ikéa» en chinois) l’empire du milieu fait encore parler de lui avec le faux salon des marques de Shanghai; contrefaçon du Salon des marques de … Monaco !

Ce salon des marques de luxe se tient à Monaco depuis 2003. Cette année, une équipe chinoise a démarché les exposants pour leur proposer de participer à un salon identique à Shanghai. Cartes de visite, site internet, et catalogue contrefaits : la confusion est totale pour les participants qui étaient persuadés que le salon de Monaco avait créé une seconde édition à Shanghai. Steven Saltzman, co-dirigeant de top marque (promoteur du salon)  dans une interview accordée au figaro affirme : «Shanghai : c’est un vrai salon, les organisateurs mentent juste sur tout : nombre de visiteurs, chiffre de vente réalisé et nature des exposants ». La supercherie prend même de l’ampleur, ce salon étant sur le point d’être décliné à Macao !

Les actions en contrefaçon sont très délicates à intenter en Chine; cependant en droit français la véritable société top marques (ci-après société princeps) pourrait assigner les contrefacteurs  sur des nombreux points à savoir :

  • Droit de la propriété intellectuelle:

En effet, les sites internet et cartes de visites sont des œuvres protégées par l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle dés lors qu’elles ne sont pas «quelconques» c’est-à-dire qu’elles possèdent une part de la personnalité de leur auteur.

  • Droit civil :
    • Parasitisme économique/concurrence déloyale: sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil– pour ce qui est de l’usage abusif de la dénomination sociale/enseigne et du démarchage au sein même du salon.
  • Droit pénal :
    • Le délit d’escroquerie (visé par l’article 313-1 du code pénal et puni de 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende pour les personnes physiques et 1 875 000€ d’amende pour la société) pourrait également être retenu.

L’escroquerie est le fait, soit par l’usage […] d’une fausse qualité, [ou] par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice à […] fournir un service.

L’escroquerie est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende.

Le préjudice en l’espèce pourrait être caractérisé par le déficit en image de marque qui résulterait de  l’association des exposants à des contrefacteurs.

Cependant, une telle action ne peut être intentée que par la victime directe de l’escroquerie à savoir les exposants et non la société princeps. De plus, l’affaire relevant du droit international, il appartient au ministère public de poursuivre l’action ou de classer sans suite même si une plainte a été déposée par la victime… elle n’a donc que peu de chances d’aboutir.

D’autant plus que  l’infraction n’ayant pas  été commise en France mais en Chine, la procédure sera très complexe. Certes, si la victime est française la loi pénale française pourra être applicable (article 113-7 du code pénal) et, par conséquent , les tribunaux français seront compétents (article 689 du code de procédure pénale).

Mais dans cette hypothèse, l’action publique (action conduite au nom de la société en vue de réprimer une infraction en application de la loi pénale) ne pourra être déclenchée que par le ministère public et non aussi par la victime. C’est-à-dire que si le ministère public décide de ne rien faire, aucune poursuite ne sera engagée. Mais ce n’est pas la seule difficulté que pourra rencontrer la victime, car même si le ministère public prend les mesures pertinentes, encore faut-il que le gouvernement français parvienne à obtenir l’extradition des personnes poursuivies, ce qui ne sera pas une mince affaire…

 

 

 

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